06/01/2011
Géotripotages : Eurasie boréale
Attaquons-nous au plus dur, le reste sera facile. La partie septentrionale de l'Eurasie affiche aujourd'hui une santé du tonnerre ; cette zone boisée qui s'étend à perte de vue est un défi au découpage, et l'histoire garde la mémoire des hommes qui la traversèrent, bien plus que de ceux qui s'y installèrent. Un cavalier que l'on y pose au hasard peut cheminer 30 jours dans un sens, 30 jours dans l'autre, sans que rien dans le paysage ne lui suggère qu'il a changé d'endroit - un défi à la notion de propriété foncière ! Et pourtant je n'hésite pas à couper ce monstre en quatre.
La Russie (Rossia) est clairement au contact de l'Europe ; elle est juste le début de la monumentale forêt qui ne s'arrêtera que 10 000 km plus loin, elle est le contact étrange et inquiétant dont l'Europe dispose vis-à-vis de ces espaces immenses. En tant que pays soutenable, elle est le foyer idéal pour les conquêtes vers l'est. Toute sa vie, elle aura un oeil vers l'ouest et une main vers l'est. En cas d'invasion, elle a une quantité de portes de sortie. Toute personne voulant s'emparer de cette zone, qu'elle s'appelle Charles XII, Napoléon ou Hitler, n'a que des soucis à se faire.
La Sibérie (Siberia) a déjà moins de soucis : protégée des (irréalisables) ambitions de potentats européens et influences asiatiques par des distances extrêmes, elle n'a qu'un problème : pas de centre focal. C'est bien d'être en banlieue lointaine, car on y est au calme, mais alors pour les distractions... Je suis certain que Yekaterinburg est une très jolie ville, mais de là à en faire une capitale... C'était quand la dernière fois que vous en avez entendu parler ?
Diamondia, pour la plupart d'entre nous, pourrait bien être sur une autre planète. Ecrasée par 5 mois d'hiver où la température atteint couramment -30°C, éloignée de tout et reliée à rien, on la croirait condamnée à l'inexistence. D'un autre côté... Peut-on vraiment mépriser une zone qui propose la plus grande quantité de diamants dans le monde ? Et s'il y a tant de diamant, n'y-a-t-il pas autre chose aussi ? Diamondia est peut-être le plus grand réservoir de surprises disponible.
Le pays des Tchoutches (Tchoutka) est plus désespéré encore : non seulement il y fera bientôt plus froid qu'au pôle nord, mais il est montagneux... Mais regardons la géopolitique en face : il est près du Japon, de la Chine, du futur océan arctique libre à la navigation, de l'Alaska....
Arctica, soyons clair, n'existe pas au sens humain. Mais bientôt... quand les lourds brise-glaces russes ne trouveront plus de glaces devant eux, quand le pergélisol immémorial se délitera pour laisser lentement place à des plaines immenses et bientôt tempérées, quand les ports s'y multiplieront pour exploiter les richesses boréales, Arctica nous rappellera qu'elle est le domaine immobilier le plus prometteur et le moins cher de la planète.
NB : les idées à la base de la création de cette carte sont développées dans la page Géotripotages.
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05/01/2011
Géotripotages : Géopolitique des frontières
L'ESA vient de nous gratifier pour Noël d'une magnifique carte, obtenue par addition de milliers de photos satellite, décrivant l'occupation des sols selon la classification de la FAO, essentiellement basée sur le type (ou absence) de végétation rencontrée sur la planète. Il est tentant de se souvenir que les humains, avant d'artificialiser leur environnement à l'issue de la révolution agraire, autrefois s'y adaptaient, et l'on pouvait suivre homo sapiens à la trace comme d'autres suivent les migrations de chenilles. Un simple regard à cette carte laisse entrevoir des régions, des pays, des relations, et il est tentant de se demander quelles seraient les frontières de nos pays si elles devaient respecter les biotopes. Le XIXe siècle a accouché d'un ensemble de frontières tout-à-fait criticables, peu en rapport avec cette vision un peu simpliste ; les frontières actuelles, cent fois modifiées en Europe, ou jetées au hasard dans d'autres pays, et parfois même tracées à dessein en contradiction avec l'unité des cultures locales, ne respectent aucun schéma logique.
Vous connaissez mon goût pour la géopolitique, alors pourquoi ne pas se prendre pour Sir Mortimer Durand, et dessiner nous-mêmes les limites des états, en suivant les contours de cette carte que tous les monarques de la Renaissance nous auraient payée une fortune ? Evidemment, ces contours représentent plus le potentiel initial dévolu à chaque paire biotope / culture humaine : ensuite, il y a forcément un peu de dynamique associée, mais c'est un début :).
L'exercice est amusant, chacun peut s'y prêter, et il est sans danger pour quiconque. Les services des divers ministères des Affaires Etrangères s'y prêtent sans cesse, pour preuve cette carte (ci-contre) qui circulait sur internet, montrant comment certains Américains pensaient partitionnner le Moyen-Orient pour le rendre plus malléable. Petite note au passage, le nouveau pays intitulé "Arab Shia State" contient 70 % du pétrole du M-E, qui lui-même contient 60 % du pétrole mondial connu : cette carte pourtant récente (2006) sent son XIXe siècle à plein nez, et révèle plus les obsessions que la compétence de son auteur. Les méthodes restent les mêmes : diviser les états trop puissants en petits morceaux, qui chacun se trouvera trop faible pour tenir tête à la puissance régnante, aujourd'hui les USA.
Les traités de Westphalie (carte ci-contre) sont en 1648 déjà modernes : ils préfigurent l'obsession française pour la centralisation, l'obsession germanique pour la décentralisation, la difficulté italienne à trouver sa voie, l'incapacité britannique à intégrer ses voisins... les racines du futur sont dans le présent, et le présent est fait de multiples passés. Tentons également de mettre en évidence les relations entre culture et biotope. Quand un habitant a la chance de se trouver sur un territoire riche de ressources, il va vraisemblablement chercher 1) à le conserver, et 2) à le développer : et voilà une culture sédentaire. Si au contraire notre homo sapiens est confronté à un environnement pauvre, il sera contraint de bouger à chaque fois que lui et ses bêtes auront épuisé la région où ils se trouvent, et nous avons une culture nomade. Hélas pour celle-ci, les frontières sont tracées par les sédentaires, et les notes qui suivent oublient les chasseurs-cueilleurs, les éleveurs poussant éternellement leurs bêtes devant eux, et les conquérants aussi vite repartis qu'arrivés : les conquérants font l'histoire, les paysans l'écrivent. L'exercice est libre, tant les pays créés au cours des siècles ont parfois eu des géométries dignes de Buffet ; quand j'étais petit, j'ai ri en découvrant le dessin du Chili, mais nous verrons que ce pays est loin d'être le plus mal dessiné. Aiguisez vos critiques :).
Géotripotages la série :
Eurasie boréale : de la Russie Blanche à Vladivostok.
L'Asie : Chine et Asie du sud. Oasistan : l'Asie Centrale. Extrême-Orient.
Amérique du Nord, Amérique du sud.
Géotripotages : la bande originale.
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19/02/2010
Doing his own misfortune
(translation of Faire son propre malheur)
In 1900, Europe, collectively, was a supreme power. Militarily unchallenged, unsurpassed on the seas, its industry and trade were setting the basis which would be copied by the rest of the world. Culturally, Europe crushed all other civilizations, and its scientists were closing in on the complete control of nature.
Then in 1945, Europe was a small field of ruins, unable to cope alone, and gave the U.S. the scepter of world leadership even before they ask for it. European nations, pushing the stupidity to the hilt, had managed to undo in 45 years what their ancestors had built in forty centuries. All this without outside influence, without divine cataclysm, without demonic manipulation, of their own and their own conceit.
In 1991, the United States is a supreme power: Europeans are fearful like a lame dog, Japan plunged into a suicidal depression, Great Russia is ravaged by alcohol and prevarication. The dollar is king, and stories written in Hollywood lull millions of children worldwide. The U.S. military crushed an entire country in 15 days, losing 250 men, as for a demonstration.
In 2010, the (twin) U.S. deficit is abysmal, its army is bogged down in two senseless conflicts, economic performance collapses, and there remain only two kinds of creditors to buy treasury bonds: "gray " capital, and China, whose trade surplus is growing at the speed of the U.S. deficit. The China of the 21st century is a creation of American greed.
In February 2010, Mrs. Clinton is undertaking a tour of Gulf states to boost their hatred of Iran and lead to further sanctions against the state, pointing at their atomic works. But is Iran a future nuclear terrorist, or merely the largest oil supplier to China?
Much the same date, Canada just approved two new investments in the infamous tar sands of Athabasca, whose majority shareholder is PetroChina: the Yellow Hand reaches the gates of the United States, which for the past ten years were so stuck with a policy worthy of the 19th century that they are unable to respond to a country that still claims to be developing.
Back in 1890, Empress dowager Cixi, pushed by the hawks in the palace, decided (finally) to levy a tax that would build the navy that China needed to resist the Western powers, which, with a couple of gun-boats, held an entire continent. When the results of the tax, a thousand times nibbled, reached the capital, they were so low that Cixi decided instead to rebuild the marble boat that adorns the Summer Palace (still visible). Bartering a navy, and the hope of a people against a nice block of (faux) marble?
The United States are precisely there: taxes from the taxpayer pay absurd bonuses to already wealthy traders, the two ongoing wars are a financial disaster, and every day sees China control more resources, collect more dollars, infiltrate more governments. Sure, the United States still is the dominant culture, military strength, know-how. But soon this country will belong to its enemy without firing a shot.
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