10/01/2011
Géotripotages : Australasie
Après toutes ces émotions, revenons à des choses plus simples et moins stratégiques. L'Australasie a une caractéristique certaine, elle est, vraiment, loin de tout, et peu peuplée. Après ces deux mots, la plupart des stratèges quittent la salle, mais restons positifs, et tentons de proposer quelque chose d'intéressant.
Il y a une grande similitude sur les territoires de Orang Pulau, Kakadu et Papua : territoire iliens, fragmentés, équatoriaux. Mais une fois l'échelle en tête, on se rend compte qu'ils s'étalent sur 10 000 km, soit autant que l'ancien empire russe, et qu'il faut deux satellites géostationnaires pour les éclairer. Il ne paraît donc pas matériellement possible d'en faire une seule zone politique, en revanche l'ensemble de cette région a des objectifs et des atouts en commun. Un premier objectif peut être de servir de grenier à blé (ou plutôt à riz) au reste de l'Asie, qui souffrira toujours plus des dérèglements climatiques à venir, alors que les régions équatoriales devraient conserver une typologie climatique constante, même si elle s'intensifie. Un deuxième objectif peut s'appuyer sur le tourisme visant la classe moyenne en rapide expansion en Asie, à condition toutefois de se mettre à protéger la nature. Enfin cette région est la plateforme idéale pour explorer un immense continent inconnu, le Pacifique.
Maori, Cratonia et Megalong sont des zones tempérées qui offrent nombre de possibilités, mais sont non seulement éloignées, mais aussi occultées par la région ci-dessus ; force est de constater qu'elles sont tournées en fait vers l'Antarctique, ce qui signifie essentiellement l'exploitation d'une mer encore riche. Le développement de l'Australie s'est toujours heurté à son éloignement et son manque d'eau, deux éléments qui ne risquent pas de s'améliorer à moyen terme. Enfin on s'évertue à trouver une application à Uluru depuis un siècle, en pratiquant au passage toutes sortes d'expériences écologiques aux résultats catastrophiques, et je ne m'y risquerai pas.
Gainsbarre. Je sais, moi, des sorciers qui invoquent les jets...
NB : les idées à la base de la création de cette carte sont développées dans la page Géotripotages
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09/01/2011
Géotripotages : Asie
Faisons tout de suite le pendant géopolitique à l'Inde et attaquons la Chine, ou plutôt l'extrême-orient tant la Chine l'influence. Vue de la France, la Chine n'est pas exactement facile à imaginer : tout simplement 20 fois la surface, et 20 fois la population de notre doux pays. Ayons donc bien conscience que tout mouvement de ciseau inconsidéré déplace non pas des millions, mais des centaines de millions d'habitants dans une culture ou dans l'autre. Je présente donc mes excuses anticipées à tout spécialiste qui passerait par là, et je me jette sur mes feutres.
Henan et Hebei sont vite identifiés, c'est le berceau de la Chine, son Ile-de-France - bien sûr la civilisation ne s'est pas développée que là, de même qu'il y a de la réflexion ailleurs qu'à Paris. Ces deux royaumes sont riches, tellement riches qu'ils attirent sans cesse les invasions venues du nord. Et quand on est un Habitant du Fleuve, les pieds dans la glaise toute la journée, on n'a évidemment pas de défense face à ces cavaliers intrépides qui méprisent les villes. Ces invasions permanentes leur laissent peu de répit militaire, ce qui permet au Sichuan, tout aussi riche mais moins voyant, d'exister tranquillement, et de faire un commerce éhonté avec ses voisins.
Car des voisins de taille il y en a, l'un en particulier est un voisin professionnel : le Tibet. Immense plateau désertique, nous avons du mal à imaginer ce qu'est un glacis de 3 000 km de large. Les Chinois en revanche sont enchantés de ce voisin, pauvre et sans ambition, qui les protège efficacement de leur ennemi Indien. Au sens moderne, ce pays n'est soutenable que dans la mesure où on lui laisse sa section orientale. Mais il est clair qu'une Chine unie ne peut que s'emparer de cette forteresse, ne serait-ce que pour empêcher l'Inde de le faire.
Burmah et Thaï sont des états jumeaux : semblables au point de se détester, ils sont sans arrêt en guerre l'un contre l'autre, ce qui est une bénédiction pour la Chine, car si cette zone s'unifiait, elle atteindrait vite des capacités équivalentes à celles de l'Inde, et la Chine a bien assez de concurrents à ses portes. La Chine dépense donc un budget conséquent pour entretenir les dissensions dans cette zone, en évitant soigneusement d'y mettre le pied. L'endroit est tentant : riche, peuplé, déjà envahi par la diaspora chinoise, il ne serait pas bien compliqué de l'absorber par assimilation. L'ouverture vers une mer dénuée de typhons est clairement un atout ; mais d'un autre côté, tout mouvement dans ce sens serait interprété comme une déclaration de guerre par l'Inde. Patience et longueur de temps...
Et au nord, deux autres glacis - mais comme c'est facile d'être stratège en Chine ! La Mongolie est laissée à l'abandon : les sauvages venus du nord étant infoutus d'inventer la route, il suffit de ne pas leur en offrir, et de supporter patiemment leurs incursions comme un buffle supporte les mouches, les sabots bien plantés dans sa rizière. La légende veut que la Grande Muraille ne fut pas érigée pour empêcher les envahisseurs d'entrer (votre serviteur, dans sa jeunesse, a franchi aisément l'obstacle), mais plutôt de les empêcher de repartir avec un butin conséquent. Evidemment, dès qu'il s'agit d'inventer le charbon et le pétrole, cette région reprend de la valeur : mais c'est prévu chef, puisque ce pays est pauvre et mal géré, il est d'autant plus facile d'y pénétrer - ou mieux, de le racheter quand on en a besoin.
Quand à la Tokharie, on croirait un pays inventé pour un jeu vidéo : des montagnes de 6 000 m, un désert meurtrier, des fleuves entiers qui descendent de la montagne pour mourir dans les dunes. Oui mais, il y a les oasis - que nous reverrons avec Oasistan - et ces oasis génèrent une telle richesse ponctuelle qu'ils suffisent à contrôler chacun sa part de désert, de passage à gué, de col enneigé. C'est de là que vient le meilleur vin à des millers de km à la ronde, et je ne parle pas des péages pour acheminer le gaz naturel du Turkestan. Les connaisseurs auront reconnu l'équivalent du Xinjiang, pays Ouighour qui aujourd'hui pose des problèmes politiques à la Chine plus aigus que le Tibet - mais comme ils n'ont pas de Dalaï-Lama, ni d'Everest et qu'ils sont musulmans, nos fidèles journalistes ne nous en parlent jamais. Il partage d'ailleurs avec ce pays des contraintes similaires ; fréquemment sous le joug de ses voisins, confronté à des distances internes et externes extrêmes (monument symbolisant le centre géographique de l'Asie ci-contre), peu peuplé, il paraît difficilement soutenable seul.
Le nom de Tokharie est tiré des langues tokhariennes, qui furent parlées dans cette région au début de notre ère (photo ci-contre), langues indo-européennes. Déjà à l'époque, les Chinois, incapables de projeter leurs forces militaires à cette énorme distance, faisaient preuve de diplomatie en s'alliant à des peuples locaux contre les Xiongnu, ancêtres des Huns, qui leur échappaient trop facilement dans ces paysages de cinéma.
Alors, un seul pays, six ou sept ? La Chine, empire impérialiste ou puissance tranquille ? Nous avons un problème définitif en France pour comprendre l'Asie : nous ignorons ce que c'est qu'un fleuve. Oh oui nous avons la Loire, l'Yonne et ses fureurs. Aucun d'entre nous ne peut concevoir un fleuve de 6 000 km de long, assez majestueux pour accueillir de front la totalité de notre flotte fluviale, et synonyme depuis la nuit des temps de développement culturel et économique. De même qu'un cavalier cosaque ne s'arrête pas de galoper tant qu'il a de la steppe sous ses sabots, de même le paysan chinois ira jusqu'à la source de ses fleuves - et oui, ils descendent tous du Tibet. Quand j'étais petit, on m'avait enseigné que "l'Egypte est un don du Nil" ; ce ne sont pas les Chinois qui ont fait la Chine, ce sont ses fleuves.
J'avoue, il manque le nord de la Chine, qui joue un rôle essentiel pour contrôler la Russie et le Japon. On y reviendra !
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07/01/2011
Géotripotages : les Indes
Passons maintenant au plus facile : le sous-continent indien présente une unité de lieu, de climat et de végétation presque uniques, la peinture va être vite faite ! Même les Britanniques, grands découpailleurs devant l'éternel, avaient rechigné en partant à donner de grands coups de ciseau dans cette masse humaine comme ils en avaient coutume. Et pourtant, à y regarder de plus près...
Eh bien oui, il y a bien deux pays, et peut-être même quatre ou cinq. Le plus spectaculaire est le Gangabharat : fils de mousson, il reçoit à lui seul une part appréciable de la pluie de toute la planète. Même si l'est du pays est bien plus arrosé que l'ouest, où ce pays se termine par le désert du Thar, on est dans une quasi-dépression idéale pour accueillir les grands fleuves tombés de l'Himalaya.
Plus au sud, le plateau du Dekkan donne lieu à un deuxième pays : bouclier volcanique résiduel d'une éruption qui a peut-être mis fin au règne des dinosaures, Il connaît une pluviométrie ordinaire comparée à son voisin. A quelques pas de l'équateur, le Sri Lanka cher à Arthur C. Clarke présente lui aussi une unité de lieu et de climat.
Pour être (un peu trop) puriste, il faut enfin séparer le Bangla Desh, pays dont la précarité météorologique m'étonne toujours. Au total on retrouve quasiment les frontières du couple Inde-Pakistan actuel, manifestant pour une fois la validité de ce genre d'étude de coin de comptoir, et rappelant que la nature ne se préoccupe pas de religion.
Vous me connaissez, je ne triche jamais, et il est facile de démontrer que la partition proposée ci-dessus s'appuie exclusivement sur la carte satellite. Alors ne nous privons pas d'un petit plaisir : la carte de l'empire Gupta (ci-contre), qui a connu une période florissante dans les années 300 à 600 de notre ère, qui n'a pas hésité à me copier par anticipation. C'est dingue, non ?
NB : les idées à la base de la création de cette carte sont développées dans la page Géotripotages
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