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02/08/2011

La vraie victoire de Ben Laden

A la rentrée 2001, l'économie américaine était atone, le pétrole était au plus bas, seule la Chine affichait des chiffres insolents propres à la faire détester par l'OCDE. Le monde évoluait lentement vers la multipolarité, les pays occidentaux s'y étaient résolus sans combat : mourir pour mes retraites, oui, mais de mort lente. La bulle internet venait d'exploser, et avec elles de nombreux espoirs tous plus absurdes les uns que les autres. Même la NASA se cherchait une mission... Comme si Imhotep s'était mis à construire des lotissements de banlieue l'âge venu ?

Et puis le 11 septembre 2001 mit un terme à cette apathie, en détruisant non seulement des milliers de vies et des centaines de milliards de dollars, mais aussi le rideau de papier qui masquait la faiblesse occidentale. La meilleure défense c'est l'attaque : les Etas-Unis choisirent d'attaquer tous azimuts pour masquer leurs multiples faiblesses, et c'est ainsi qu'on se lança dans une politique monétaire désastreuse qui mena à la catastrophe économique de 2007, qu'on se lança (et qu'on lança ses alliés) dans deux guerres inutiles et terriblement coûteuses, et qu'on laissa dans le même temps le champ libre aux BRIC qui n'en revenaient pas de se trouver à pareille fête.

Cette catastrophe n'est pas terminée : elle se déroule devant nos yeux en ce moment même ; en réalité, elle ne fait que commencer, simplement parce que l'OCDE avait accumulé une telle quantité de mauvais comportements que nous ne faisons que les découvrir un a un. Combien de peaux a un oignon ? Qui aujourd'hui se soucie de l'Islande, qui il y a un an encore semblait un problème important ?

La véritable victoire de Ben Laden n'est pas d'avoir tué des milliers de personnes, ni même d'avoir obtenu que l'armée américaine quitte le sol sacré de l'Islam ; c'est d'avoir déclenché, avec sans doute quelques années d'avance, la crise qui va faire perdre à l'OCDE un leadership d'une puissance extraordinaire.

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02/05/2011

Tuez Ben Laden !

"Coulez le Bismarck !" s'était écrié Churchill. En cette année 1941, tout va mal pour l'Empire britannique : le continent est aux mains des Nazis, les puissances de l'Axe progressent partout, le grand frère américain refuse de se laisser entraîner dans cette guerre qui n'est pas la sienne - en se souvenant du Lusitania - le Royaume-Uni ne résiste plus que par quelques fils ténus et une chance divine. Et par-dessus tout cela, ce navire furtif, tricheur, qui abuse de sa puissance non pas pour affronter glorieusement la Home Fleet, mais pour couler des convois entiers de marchandises dont l'Angleterre a un si urgent besoin. 

"Coulez le Bismarck !" Ce cuirassé est tout neuf : issu des célèbres chantiers navals Blohm & Voss à Hambourg en 1939, il incarne l'énorme supériorité industrielle et technologique de l'Allemagne, il défie chaque jour la Navy britannique que chacun croyait invincible, il pése sans cesse sur les armateurs privés qui refusent de plus en plus de livrer vers l'Angleterre.

Car cette période est troublée : qui a raison ? Les Nazis, qui incarnent l'ordre et une inhumaine clarté ? Les Russes, qui prétendent détenir la volonté du peuple ? Les Anglais, grands théoriciens de tout mais apparemment propriétaires de rien ? En 1941, des tensions énormes s'appliquent sur les vieilles alliances, les vieilles croyances, les vieilles défiances. C'est l'époque où certains américains croient en la doctrine Nazie, en alimentant l'Allemagne en pétrole, l'époque où Staline et Hitler, évidents ennemis, s'allient pour s'éviter des soucis. Tout peut basculer d'un côté ou de l'autre. Et ce navire, qui seul, hante les mers et les cauchemars de Churchill...

"Coulez le Bismarck !"  Rayonnant, victorieux, son seul nom suffit à mobiliser tout un peuple ; bien au-delà d'une supériorité navale, il est devenu une force morale, politique, charismatique - et même diplomatique : si la Navy britannique est incapable de s'en défaire, quel Américain va souhaiter s'engager dans cette guerre inutile ?

Mais qui a crié :"Tuez Ben Laden" ? Ancien agent américain, promu super-méchant par l'administration Bush, Ben Laden a d'abord et avant tout été rejeté par sa propre famille, très proche de la famille royale Saoudienne, de loin la famille la plus riche du monde. Cette famille, déjà éprouvée par la prise de la mosquée de La Mecque, ne souhaite qu'une chose : le soutien continu de la première puissance mondiale, mis à mal par ce rejeton indocile. Car ce mouton noir ose se réclamer de Dieu, et lancer une fatwah sur l'envahisseur infidèle qui a pris pied sur la péninsule sacrée.

Qui a crié : "Tuez Ben Laden" ? L'administration Bush, surchargée de connivence pétrolière, grande consommatrice de pétrodollars, a-t-elle cédé à l'inquiétude saoudienne ? A-t-elle trouvé en Ben Laden un bien pratique méchant, grand justificateur de tous les excès totalitaires ? L'administration Obama, connue pour son immense pragmatisme, a-t-elle négocié les explications du criminel contre des avantages en votes républicains à venir prochainement ? L'administration Clinton, qui a étrangement géré le phénomène Ben Laden, qui comme Bush a été contactée par Obama avant son discours ?

 "Justice has been done" : Barack Obama, avocat américain bien avant que d'être président ou prix Nobel de la paix, sait mieux que personne que la justice consiste à démontrer la culpabilité du prévenu, connaître et comprendre ses motivations, évaluer les circonstances du crime, et rendre un arrêt public. Et non pas une simple mise à mort, comme Lee Harvey Oswald a été bien commodément assassiné par Jack Ruby. Aussi ces mots dans sa bouche prennent-ils une signification particulière.

 

C'est le printemps, mais parfois on songe à un chant d'automne.

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26/02/2011

2011 : Répétition pour un exercice de démocratie

tunisie-afp-manifestation-14-janvier-10382139hjlhz_1713.jpgLes événements récents en Tunisie, en Egypte, en Libye, en Algérie, à Bahrein sont interprétés par nos medias comme une aspiration à plus de démocratie. C'est joli, mais à mon sens assez faux : dans tous ces pays, la jeunesse, qui y constitue fréquemment la moitié de la population, en a assez de ne pas trouver de travail, et souvent même de ne pas trouver à manger. Dans le même temps, cette jeunesse voit une oligarchie regorger de richesse sans la moindre préoccupation pour les difficultés grandissantes de son propre peuple. De là à invoquer Tocqueville, il me semble qu'il y a un pas que seuls des pays replets et confits dans leurs certitudes surannées peuvent franchir. (Note comique : Tocqueville n'avait rien contre le colonialisme)

terredislam-gaddafi-gaddafi.jpgNous l'avons déjà dit dans ces colonnes, l'Europe est terrorisée par son passé récent, par la formidable capacité qu'elle a eue à se détruire elle-même au nom des pulsions les plus sordides de l'être humain. Nous constatons aujourd'hui une nouvelle myopie volontaire : tous ces états, anciennes colonies de pays européens, étaient jusqu'à maintenant entretenus dans une faiblesse politique délibérée par la diplomatie occidentale ; cette faiblesse politique entraînait le maintien au pouvoir de dirigeants incompétents, qui croyaient bien plus en leur intérêt qu'en celui de leur peuple. Il est vrai que lorsqu'on connaît la vie politique du dernier Shah d'Iran, on peut les comprendre. Cette faiblesse politique a ainsi entraîné une faiblesse économique, et finalement une situation sociale intenable. L'Occident, et particulièrement l'Europe, refuse d'admettre (publiquement) qu'il est responsable de cet état de choses, qu'il entretient savamment depuis les années 1960, grande époque de la "décolonisation". Aussi est-il bien plus facile de prétendre que ces peuples ont une aspiration à la démocratie. Et nos penseurs politiques habituels, où sont-ils ? Les Attali, BHL et consort, les avons-nous vus aux avant-gardes des manifs, chemise ouverte, poitrine tournée vers les balles ? Kouchner peut-être ?

Ce n'est pas tout : nous prétendons aussi que dans tous ces pays, le potentiel de l'Islamisme est grand, et que nous devrions nous méfier, nous inquiéter, que sais-je, agir ? En réalité l'Islamisme que nous avons connu à la fin du 20e siècle n'est rien moins qu'une volonté locale de secouer ce fameux joug, en invoquant auprès de son peuple des croyances plus fortes que le téléphone portable ou 50 chaînes pour tous. Des chaînes, tiens... L'Islamisme a dans ce domaine, il faut bien l'admettre, échoué, comme le montre l'état pitoyable de l'Iran aujourd'hui. Voici donc un deuxième rideau défensif, la rue assistée par téléphone portable - la "flash rue". Ces révolutions vont-elles mener directement à une démocratie ? Rien n'est moins sûr, et les Français le savent bien, qui ont subi des décennies de terreur, de guerre et de despotisme à l'issue de leur plus grande révolution populaire.

rafale.jpgCe billet ne serait pas complet sans une petite perfidie - et un rien de pétrole. Le baril a joué au yo-yo ces dernières semaines parce qu'un producteur de taille moyenne, la Libye, a interrompu ses livraisons - alors que le pétrole reste abondant. Et si c'était l'Arabie Saoudite ? Si c'était le Royaume Wahabite qui faisait les frais d'une révolution, non plus islamique comme celle qui fut réprimée dans le sang en 1980, mais populaire et d'envergure ? Cela vous paraît incroyable ?

Si cela devait se produire, l'unanimité dans les pays occidentaux serait instantanée, il ne s'agirait sûrement pas d'une révolte populaire mais bien des Forces du Mal (majuscules importantes), la résolution commune à l'ONU serait prise en dix minutes, et l'envoi des troupes sur place ne prendrait pas dix jours. Même le Charles de Gaulle, avec ou sans hélice, serait du voyage, et nous verrions la réalité de "l'aspiration à la démocratie" réglée par nos Rafale. Quelque chose me dit que la Chine elle-même serait bienvenue à participer - et qu'elle le ferait.

 

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