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16/01/2011

Géotripotages : Moyen-Orient

MiddleEastW.jpgComme il est ordinaire, ce nom de Moyen-Orient, pour une région qui a connu les dynasties les plus puissantes, les plus brillantes - mais peut-être aussi les plus variables : Mèdes, Perses, Séleucides, Parthes, Sassanides, Mongols et j'en oublie : on a l'impression que toute la planète s'est donné rendez-vous dans cette région, et chaque fois la culture s'y développe un peu plus. Etant moi-même un fidèle lecteur du code d'Hammurabi, je ne peux considérer cette région sans ses 4 000 ans d'histoire. Depuis la dernière guerre mondiale, trois événements sont venus condamner cette région à la peine : le désengagement des nations européennes, abandonnant le terrain en créant délibérément des frontières propices à leurs intérêts ; la découverte de quantités monumentales d'hydrocarbures ; la création de l'état d'Israël, facilitant l'exacerbation des sentiments religieux. Le résultat est une guerre quasi-permanente pendant 60 ans, permettant que l'Occident consomme en paix des quantités toujours croissantes d'un pétrole bon marché. Toute solution politique aux troubles actuels, autorisant une conjonction des objectifs des peuples de cette région, conduira vraisemblablement à un renchérissement des prix du pétrole. Ceci est hors de question pour les démocraties occidentales, qui s'emploient année après année à entretenir les dissensions dans cette région. Cette situation existe depuis 60 ans : quelle valeur géopolitique ont ces 60 années après 40 siècles d'histoire ?

Median_Empire.jpgCar cette région a une âme et un destin ; a-t-elle inventé l'écriture, l'alphabet, l'astronomie, le monothéisme ? Est-elle la charnière entre l'Afrique, l'Europe, l'Asie du nord et du sud ? Est-elle assise sur la plus grande quantité de pétrole connue dans un périmètre restreint ? A-t-elle un biotope cohérent ? Sans que l'on puisse répondre un "oui" franc et massif à ces questions, elles nous donnent des directions indiscutables. La carte ci-contre est celle de l'empire Mède, 600 ans avant JC. Elle met en évidence la superposition des cultures  avec les biotopes : les Mèdes d'une part s'accommodent très bien des régions montagneuses et sèches de l'Iran actuel, et poussent jusqu'aux monts Taurus : les Chaldéens eux, profitent des terres irriguées dans le croissant fertile, essentiellement constitué du bassin versant du Tigre et de l'Euphrate.

Indo-Sassanid.jpgCette différentiation est insuffisante pour contrer les appétits politiques : les populations qui ont su conquérir les montagnes iraniennes regardent forcément avec envie les riches plaines inondables, et difficilement défendables, de Mésopotamie, et la plupart des royaumes tenteront de s'allier à, ou de s'emparer de cette région florissante. Donc mille ans plus tard, les Sassanides feront le choix opposé aux Mèdes. C'est également ce que feront les Parthes, les Séleucides, les Timourides... et j'oublie les Achéménides. Ainsi donc se présentent déjà des frontières potentielles avec une double qualité historique et géographique : au nord-est, l'extrémité des monts Elbourz marque le début de la steppe d'Oasistan. Au sud-ouest, les monts Zagros, avec la Mésopotamie en option ; à l'est, la plaine de l'Indus et les montagnes afghanes.

Middle_East_geographic.jpgLa région est non seulement montagneuse, mais mobile : cette charnière politique est aussi une charnière tectonique, d'où les multiples montagnes et tremblements de terre. La carte ci-contre révèle les massifs montagneux quasiment continus depuis le sud de l'Iran jusqu'à l'est de la Turquie, la dépression Irakienne, le couloir Géorgien qui précède le Caucase. On découvre également le bouclier de l'ouest saoudien, d'une toute autre nature puisque restant d'une éruption volcanique sans doute cataclysmique. Inutile de souligner à quel point cette région regorge d'hydrocarbures, mais cela signifie qu'un écart de quelques kilomètres dans le tracé d'une frontière fait changer de mains quelques milliards de dollars.

 

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Nous avons vu dans la page consacrée à l'Afrique à quel point cette région est, sur la base de sa latitude, condamnée à la sécheresse ; elle ne doit son afflux en eau de pluie qu'à ses montagnes. La carte suivante montre la répartition des précipitations dans cette région ; elle met en évidence les rares "châteaux d'eau" disponibles, avec les monts Zagros décidément stratégiques, le Taurus et la petite bande côtière le long de la méditerranée.On devine que la répartition politique de ces sources d'eau sera déterminante dans le dessin de nos frontières, et cela d'autant plus que le Tigre et l'Euphrate, qui ont permis le développement soutenable de la Mésopotamie, coulent dans une région qui sans eux serait sèche ; ils prennent leur source dans le Taurus, région politique aujourd'hui différente, où plusieurs barrages de grande taille viennent d'être construits, rendant immédiatement le sujet de l'eau très délicat dans la région. 

bassinversant.gif

Ce comportement n'est pas rare, il suffit de constater le débit anémique du fleuve Colorado quand il entre au Mexique, celui du fleuve Orange à son embouchure, etc. On peut compléter les notions ci-dessus avec l'observation du bassin versant de ces fleuves (carte ci-contre) ; il paraîtrait dangereux, dans une région où l'approvisionnement en eau est à la fois délicat et menacé, de séparer les consommateurs d'eau du bassin versant qui les alimente. N'est-il pas temps de synthétiser tout cela avec quelques traits de couleur ?

 

MiddleEast2.jpgRetrouver les frontières à la fois naturelles et historiques de la Perse est une base de départ ; sauvegarder le bassin versant alimentant la Mésopotamie est l'étape suivante avec la création de la Séleucie, qui dispose à la fois de grandes réserves pétrolières, d'une ouverture sur trois mers, d'une forte position de péage de fait, mais aussi d'un grand nombre d'ethnies et de cultures à intégrer. Les anciens découpages de la péninsule arabique (d'origine européenne) sont supprimés, donnant la possibilité à un pays riche de développer le désert jordanien. Un autre point délicat est le couloir caucasien, Caucasus, truffé de particularismes et de ressentiments historiques jamais étanchés. Mais balkaniser cette région consisterait à l'affaiblir, alors qu'elle a des ressources puissantes : le pétrole de la Caspienne, une situation de péage de fait entre le Moyen-Orient et la Russie, et des voisins riches ; Enfin Séleucie et Caucasus ont tellement d'intérêts en commun qu'on ne peut qu'envisager leur association.

NB : les idées à la base de la création de cette carte sont développées dans la page Géotripotages

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