02/05/2011
Tuez Ben Laden !
"Coulez le Bismarck !" s'était écrié Churchill. En cette année 1941, tout va mal pour l'Empire britannique : le continent est aux mains des Nazis, les puissances de l'Axe progressent partout, le grand frère américain refuse de se laisser entraîner dans cette guerre qui n'est pas la sienne - en se souvenant du Lusitania - le Royaume-Uni ne résiste plus que par quelques fils ténus et une chance divine. Et par-dessus tout cela, ce navire furtif, tricheur, qui abuse de sa puissance non pas pour affronter glorieusement la Home Fleet, mais pour couler des convois entiers de marchandises dont l'Angleterre a un si urgent besoin.
"Coulez le Bismarck !" Ce cuirassé est tout neuf : issu des célèbres chantiers navals Blohm & Voss à Hambourg en 1939, il incarne l'énorme supériorité industrielle et technologique de l'Allemagne, il défie chaque jour la Navy britannique que chacun croyait invincible, il pése sans cesse sur les armateurs privés qui refusent de plus en plus de livrer vers l'Angleterre.
Car cette période est troublée : qui a raison ? Les Nazis, qui incarnent l'ordre et une inhumaine clarté ? Les Russes, qui prétendent détenir la volonté du peuple ? Les Anglais, grands théoriciens de tout mais apparemment propriétaires de rien ? En 1941, des tensions énormes s'appliquent sur les vieilles alliances, les vieilles croyances, les vieilles défiances. C'est l'époque où certains américains croient en la doctrine Nazie, en alimentant l'Allemagne en pétrole, l'époque où Staline et Hitler, évidents ennemis, s'allient pour s'éviter des soucis. Tout peut basculer d'un côté ou de l'autre. Et ce navire, qui seul, hante les mers et les cauchemars de Churchill...
"Coulez le Bismarck !" Rayonnant, victorieux, son seul nom suffit à mobiliser tout un peuple ; bien au-delà d'une supériorité navale, il est devenu une force morale, politique, charismatique - et même diplomatique : si la Navy britannique est incapable de s'en défaire, quel Américain va souhaiter s'engager dans cette guerre inutile ?
Mais qui a crié :"Tuez Ben Laden" ? Ancien agent américain, promu super-méchant par l'administration Bush, Ben Laden a d'abord et avant tout été rejeté par sa propre famille, très proche de la famille royale Saoudienne, de loin la famille la plus riche du monde. Cette famille, déjà éprouvée par la prise de la mosquée de La Mecque, ne souhaite qu'une chose : le soutien continu de la première puissance mondiale, mis à mal par ce rejeton indocile. Car ce mouton noir ose se réclamer de Dieu, et lancer une fatwah sur l'envahisseur infidèle qui a pris pied sur la péninsule sacrée.
Qui a crié : "Tuez Ben Laden" ? L'administration Bush, surchargée de connivence pétrolière, grande consommatrice de pétrodollars, a-t-elle cédé à l'inquiétude saoudienne ? A-t-elle trouvé en Ben Laden un bien pratique méchant, grand justificateur de tous les excès totalitaires ? L'administration Obama, connue pour son immense pragmatisme, a-t-elle négocié les explications du criminel contre des avantages en votes républicains à venir prochainement ? L'administration Clinton, qui a étrangement géré le phénomène Ben Laden, qui comme Bush a été contactée par Obama avant son discours ?
"Justice has been done" : Barack Obama, avocat américain bien avant que d'être président ou prix Nobel de la paix, sait mieux que personne que la justice consiste à démontrer la culpabilité du prévenu, connaître et comprendre ses motivations, évaluer les circonstances du crime, et rendre un arrêt public. Et non pas une simple mise à mort, comme Lee Harvey Oswald a été bien commodément assassiné par Jack Ruby. Aussi ces mots dans sa bouche prennent-ils une signification particulière.
C'est le printemps, mais parfois on songe à un chant d'automne.
14:27 Publié dans Géopolitique, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook |
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