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23/01/2008

Gendarme du monde

En 1945, les vieilles puissances régionales étaient exsangues, dévastées, et plus encore étaient incapables de reconstituer un schéma incluant leur propre suprématie : c'est ainsi qu'ils l'abandonnèrent volontairement aux USA, qui venaient de faire la preuve de leurs capacités. Une seule nation tenta de reconduire un prétendu empire pendant 4 décennies, à quel prix. C'est tout naturellement que les nouvelles règles non écrites furent convenues : les USA se chargeaient de faire respecter l'ordre, les autres nations "avancées" leur apportaient leur support politique, un accord mondial était lancé pour le meilleur et pour le pire.

Pendant quarante ans, ce fut pour le meilleur : les nations détruites retrouvèrent, grâce à l'or et la paix des Américains, une santé florissante, les conflits armés étaient petits et lointains, et les rares gouttes de sang européen n'étaient versées que pour des colonies qui n'en finissaient pas de s'éloigner de leurs anciens maîtres, achevant de détruire leurs vieux rêves internationaux. Certes, la mainmise des USA sur quantité de ressources, et particulièrement le moyen-orient, paraissait un peu exagérée, mais qui n'en profitait pas ? La minuscule crise de Suez en 1956 montra définitivement à ceux qui voulaient l'ignorer quels étaient les nouveaux maîtres.

Tout marchait si bien que le reste de l'OCDE se prit au jeu économique, secteur où les USA se révélèrent exemplaires : pendant cette période, aucun lieu ou monnaie ne pouvait concurrencer le dollar et le sol étatsuniens ; insensiblement, l'occident commença à prêter aux USA plus qu'il n'était nécessaire pour assurer leur mission, insensiblement la nation la plus riche du monde devint la plus endettée, empruntant aux républiques bananières un comportement qu'ils avaient tant fustigé.

Et puis les USA se mirent en tête de gagner à eux seuls la guerre froide ; l'URSS, prise au jeu de l'économie, perdit et s'effondra sur elle-même sans qu'un seul bombardier ouvre un oeil : tout l'occident accueillit la nouvelle avec joie, saluant un événement aussi inattendu que tant de fois annoncé. Soudain, les USA se retrouvèrent sans ennemi, mais aussi sans contrôle. Mais la machine était lancée, et les habitudes prises ; personne au monde ne fit autre chose que de se réjouir, alors même que la facture pour la sécurité s'était transformée en facture pour le confort.

Les erreurs autrefois rares s'accumulèrent ; à l'issue de la première guerre du Golfe, les USA tendirent une sébille impudente à un occident stupéfait, rompant ainsi avec les vieilles règles. Le scandale Enron prouva au monde que les USA devenus mesquins avaient perdu de vue l'objectif : conserver la confiance de la planète ; quelque chose avait changé. Quasiment le même jour, trois mille morts dans l'effondrement des Deux Tours prouvèrent au monde que bien des choses avaient changé. La catastrophique réaction de l'administration Bush fut à la hauteur de sa puissance : sans savoir les mobiles, sans comprendre la réaction de ses sujets, les USA tapèrent au hasard, comme un mauvais maître punit au hasard les ricaneurs pendant que les fautifs restent impunis. Le reste de la planète, interdit, empêtré dans ses propres contradictions et une furieuse course vers le confort, n'offrit aucune réaction. A peu près à la même date, la France interdisait à ses citoyens de travailler plus de trente-cinq heures par semaine, et les USA confirmaient qu'il n'y avait pas de réchauffement climatique.

Mauvais maître, changer de maître ? Facile à dire. Au début de ce siècle de fer, l'occident replet se complaît dans son luxe, l'Europe n'est capable que d'émettre des Directives qui parviennent difficilement à ses membres, la Russie se cherche une image et une santé, et la Chine attend son heure, qui n'est pas arrivée. Qui va remplacer le gendarme du monde ? Qui va verser son sang, remplacer le dollar avec sa monnaie, montrer la direction au reste de la planète, s'affranchir de la démocratie pour faire respecter les libertés ? Alors que les problèmes mondiaux s'accumulent à l'horizon, avec la triple crise de l'énergie, de la surpopulation et du réchauffement climatique, la planète des hommes se présente en ordre dispersé, menée par un maître toujours en place faute de challenger, sans plan et sans élan.

Les USA sont toujours une gande nation, capable et responsable ; mieux vaut un mauvais maître que pas de maître du tout ; et nous n'avons personne d'autre. Encore faut-il que ses suiveurs prennent eux-mêmes leurs responsabilités, et exercent un contrôle dont ils ont tout oublié. Sans quoi la crise des subprimes et ses conséquences ne seront que le début d'une longue suite d'abus et d'erreurs jamais corrigés, préfigurant une défaillance à la veille de l'examen final.

 

07:54 Publié dans Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gendarme, monde, géopolitique, USA, futur | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook |

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