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13/12/2011

Le plafond de verre de l'humanité

Le boson de Higgs : comme on nous rebat les oreilles de cette particule, qui n'existe peut-être que dans les imaginations inquiètes de quelques chercheurs. D'où sort-elle en effet ? Le dix-neuvième siècle fut un havre de paix et d'ordre pour les physiciens, qui en appliquant toujours les mêmes recettes simples (un champ dérive d'un potentiel), firent une collection impressionnante de découvertes fondamentales sur le dos desquelles nous vivons aujourd'hui.

Puis vint hélas l'année 1900, qui voit Max Planck asséner un coup de marteau dans toute cette facilité scientifique avec sa théorie des quanta, aux termes de laquelle, entre autres, à la fois l'énergie et la matière deviennent discontinues, théorie plus que confirmée par la relativité en 1905.

Depuis cette date, nous sommes contraints de réconcilier cette discontinuité de la matière avec l'apparente continuité que nos sens - et les simples théories de champ - lui confèrent ; et cette réconciliation nous échappe depuis un siècle, alors que nous en connaissons tous les termes, un peu comme la résolution du conflit israélo-palestinien. 

Nous cherchons depuis un siècle ? Et alors me direz-vous, la belle affaire, la découverte de la roue a bien dû prendre quelques millénaires à nos ancêtres ! Certes, mais dans ses premières années, homo sapiens était bien plus occupé à exterminer ses prédateurs qu'à creuser la physique fondamentale, et les chiffres nous indiquent que 99% des chercheurs que l'espèce humaine a connus dans toute son histoire étaient au travail dans le cours du 20e siècle. Et on n'a rien trouvé ?

Rien, c'est beaucoup dire. On a identifié une douzaine de particules (pourquoi douze ?), émis quelques notions fondamentales (la symétrie, c'est une découverte, eh oui), proposé une collection impressionnante de théories possibles (les cordes, les super-cordes, les membranes, de quoi se tordre) dont nous n'avons confirmé aucune. Au passage, les applications pratiques de tout ce travail se comptent sur les doigts de la main. Et l'électronique, c'est pas du pur vingtième ça ? Hélas, trois fois hélas, l'électron fut théorisé en 1874, puis mis en évidence en 1897. Et les nombres complexes, bien pratiques pour théoriser l'électronique ? Les Italiens de la belle époque -16e siècle.

Quand Homo Sapiens fut conçu, on lui donna un avantage compétitif monstrueux par rapport à ses voisins : un cerveau surdimensionné, presque surabondant, qui l'a conduit essentiellement à détruire son environnement, dont il dépend en totalité, à grande vitesse. Il n'a jamais été écrit que ce cerveau serait suffisant pour se mesurer à l'univers lui-même. Et pourquoi pas casser l'univers pendant qu'on y est ?

Toute ressource naturelle a ses limites, il n'est pas exclu que nous ayons mis en évidence celles de l'esprit humain. Einstein avait déjà condamné l'espèce humaine au génie de la découverte : en ordonnant que rien ne pouvait dépasser la vitesse de la lumière, il nous interdisait à jamais les voyages interstellaires, dont la longueur excède désormais non seulement une vie humaine, mais carrément la durée de vie de l'espèce. Nous n'avions qu'un moyen de quitter notre petite planète : la force de l'esprit.

Et voilà que celui-ci nous trahit, et le communiqué de presse du CERN, nous disant qu'on est "très confiant en l'avenir" ressemble à des millions de mails, envoyés par des commerciaux à leurs patrons, déguisant un échec cuisant, ou pire encore, l'énième échec d'une liste sans fin. Nous ne trouvons pas. Soulignons que le LHC est un effort mondial qui a concentré les énergies de la quasi-totalité des chercheurs mondiaux (les américains ont abandonné leur propre projet), sans parler des ressources financières. Ca vous rappelle ITER ?

Alors où est le problème ? Notre capacité d'abstraction est peut-être en cause. Déjà, la discontinuité de la matière, les quatre dimensions, l'univers fini-infini, le surgissement absurde d'une énergie infinie qui précède les lois pour la régir, tout cela est choquant pour nos esprits. Mais découvrir des conceptions plus abstraites encore, c'est-à-dire plus éloignées de notre façon de penser et d'imaginer, est-ce trop nous demander ?

La fin du 19e siècle avait généré une tripotée de génies, qui semblent être le seul moyen de tirer la science vers le haut. Nous ignorons pourquoi. Nous ignorons comment fabriquer un génie. En fait, nous ignorons tout de notre propre façon de penser. Nous ne résoudrons pas notre problème sans améliorer notre capacité à l'abstraction de façon massive. Sinon, ce sera le plafond de verre de l'humanité.

Cauda : à la fois Max Planck et Albert Einstein furent horrifiés des conclusions de leurs découvertes, qui contredisaient brutalement leur conception du monde - disons leurs croyances. Quand Einstein disait "Dieu ne joue pas aux dés avec l'univers", c'était par dépit.