19/09/2011
Le recours des canailles
"Le capitalisme, c'est l'art de réintégrer les fripouilles" dit un vieux proverbe économiste. Et en effet, une fripouille entreprenante, mieux vaut l'avoir dans son camp, c'est-à-dire dans le champ de l'entreprise et de l'économie qui tourne, que dans le camp adverse, ce qui signifierait batailler contre l'esprit créatif qui les habite, inutile consommation d'énergie et production de stress.
Mieux vaut donc une bonne fripouille, identifiée comme telle, et bombardée responsable de tel ou tel secteur par lequel transite une belle quantité de monnaie : ce spécialiste saura trouver, et donc éliminer, les prébendes illicites qui grèvent le rendement des opérations. Ainsi, s'il y a une poche coupable à identifier, on saura dès le départ laquelle.
Plus généralement (et très sérieusement), la canaille est utile à toute société : se présentant non pas comme l'ennemi à nos portes, qu'il est facile d'identifier comme tel et pour qui la défense est connue et facile à mettre en oeuvre, mais comme un ami intérieur, il trompe nos défenses et met en déroute notre capacité à réagir : c'est le restant de bactérie létale qui réveille nos anti-corps et contribue à nous immuniser, c'est le hacker qui met en évidence les faiblesses d'un système informatique et permet donc de les corriger, etc. En un mot, il y aurait bien là un paradigme de l'agresseur interne, essentiel à tout système complexe. Pardonnez-moi d'employer des termes obscurs, mais j'en emploierai de meilleurs quand les sciences sociales voudont bien le faire.
L'histoire juge a posteriori ; ou plutôt elle met en lumière tel ou tel aspect des personnages qui en sont le tissu. Bien des années après, le banquier Law était-il une fripouille ? John D Rockefeller ? Mieux encore, nons nous souvenons bien mal des affaires qui mettent en évidence à quel point la présence de cette espèce est inhérente à toute société. Qui était Charles Baïhaut, et qu'a-t-il fait ?
Ce n'est pas tout. La justice elle-même a bien du mal à juger. Le pouvoir exécutif, qui installe ces hauts responsables de façon bien officielle, est-il indépendant des faits qui sont reprochés ? Doit-on faire l'amalgame, et donc condamner les deux, au risque de n'en condamner aucun, ou doit-on séparer les sujets afin de mieux les traiter ?
Pour paraphraser un grand homme du 21e siècle, "les fripouilles quand il n'en y a qu'une ça va, c'est quand il y en a plusieurs qu'il y a un problème". Encore une fois, une grosse fripouille bien placée en éliminera dix petites, et justifiera ainsi son action auprès de la communauté. En revanche, quand les fripouilles se multiplient sans contôle, le système non seulement est impuissant, mais ne bénéficie plus de ce mécanisme.
Il y a toujours eu des affaires, il y a toujours eu des scandales, il y en aura toujours. Mais l'évolution de la société moderne joue sur l'image, et on ne peut négliger l'effet de l'image sur les masses, et donc sur les fondements de la société que nous voulons pour nous-mêmes.
Ainsi, il est devenu courant qu'un homme politique réputé, ou qu'un capitaine d'industrie influent, vienne occuper l'antenne (et l'heure de cerveau disponible) pour redorer une image écornée par une affaire, un procès, une condamnation, un non-lieu. La canaille s'exprime bien, elle présente bien, elle a des choses croustillantes à raconter, elle entretient une atmosphère sulfureuse, toutes qualités qui font monter l'audimat en flèche - quel média y résisterait ?
Nos médias nationaux sont pauvres ; ils sont contraints par leur mode de rémunération de "faire de l'audimat", et rien d'autre. Si telle ou telle personnalité fait de l'audimat, qu'elle soit une crapule ou pas, peu importe, le quatrième pouvoir n'est pas là pour juger.
Aussi avons-nous droit régulièrement au blanchiment des fripouilles, jugées ou pas, coupables ou pas, responsables ou pas, par le canal de la télévision, ultime recours de la canaille. Et nous participons ainsi à la création d'une nouvelle génération de Français, qui voient régulièrement des fripouilles monter au pinacle - ou à ce qu'ils prennent comme tel.
Il serait pourtant possible d'éviter le plus gros de ces dégâts d'image, en rappelant aux Français que l'une des spécialités de ces personnages est la persuasion, ainsi que leur "palmarès", et cela dans le cours de l'émission. Il faudrait également éviter que ces personnages soient mis en scène par les mêmes présentateurs qui nous recommandent un film ou un livre, avec le même professionnalisme lisse et amoral.
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17/09/2011
Delenda est Goldman Sachs !
Laissez une quelconque personne prééminente s'exprimer sans critique ni contrainte, et vous aurez rapidement un bouffon racontant d'immenses fadaises. Nous avions déjà été frappés de la consistance avec laquelle l'EIA (paix à ses cendres) racontait chaque année comment la consommation (et donc la production) mondiale de pétrole allait atteindre 100, puis 110, puis 120 millions de barils par jour : cette agence, intergouvernementale, n'est pourtant pas censée raconter des absurdités ?
Je ne cite même pas nos admirables hommes (et femmes) politiques, pour qui raconter des choses incroyables fait office de credo ; le fait est que nous continuons de les écouter.
Les cabinets d'experts sont devenus l'engeance la plus grave du 21e siècle ; je pense qu'ils ne vont pas tarder à nous vendre des indulgences, certifiées efficaces, lire néanmoins les termes et conditions. Goldman Sachs avait déjà contribué à la crise des céréales chères, avec la création de son fameux "contango-only" index (GSCI). Goldman Sachs a été accusé d'avoir contribué à déguiser les comptes de la Grèce - et donc à la crise de la dette grecque actuelle. Il me semble que cela suffirait à ce qu'on ferme cette charmante société ; après tout, Arthur Andersen a bien disparu corps et biens à l'issue du scandale Enron.
Il faut bien voir que les dégâts causés par ces "conseillers" deviennent considérables : dans le seul cas Enron, ce sont des centaines de milliers de salariés qui ont perdu leur emploi, ou leur retraite, ou les deux. L'impact est du même ordre pour la crise grecque.
On en revient à la gouvernance, la cybernétique : il faut une direction au bateau, il y a un gouvernail. Le gouvernail doit être actionné par quelqu'un qui sait, il y a un barreur. Si le barreur se trompe, il lui faut un conseiller pour le remettre dans le droit chemin. Et si le conseiller se trompe ? Ce point n'est pas seulement du ressort de la science politique ou sociale, il intervient dans le domaine informatique : on ne sait toujours pas comment empêcher un programme de tourner en rond (de "planter") de façon sûre. Il serait temps que nos champions en la matière réfléchissent vraiment au sujet, au lieu de s'attacher aux dollars facilement glanés en apps ridicules.
La dernière trouvaille de Goldman Sachs ? Les USA seront à nouveau le premier producteur mondial de pétrole en 2017.
Il faut fermer Goldman Sachs.
16:04 Publié dans Economie, Energies fossiles, Futur, Pétrole, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook |
12/09/2011
La revanche des inconnus
Quand on voit les ennuis de BP, on se dit qu'il ne fait pas bon être une compagnie pétrolière.
Vraiment ? Deux compagnies disent et prouvent exactement l'inverse chaque jour.
BG group, premier inconnu, a contribué depuis de longues années aux découvertes les plus improbables, les plus controversées, les plus stupéfiantes ; chaque pas dans le bassin de Santos a vu sa marque. D'autres noms célèbres ou terrifiants lui sont associés : Gaza, Kashagan... Mais qui est BG Group ? Personne, enfin pas grand-monde, des restes de British Gas. Et ça, ça fait des spécialistes mondiaux des découvertes subsalt ?
Tullow oil est du même tabac. Non contente d'avoir trouvé de l'huile au Ghana, territoire lui aussi abandonné des pétroliers classiques, ils ont fait un coup de Google Earth : s'il y a du pétrole au Ghana, il doit y en avoir en... (je suis du doigt la dérive des continents chère à Wegener), and the winner is : ...la Guyane française ! C'est quoi ce pays ? peu importe, Tullow n'est pas sectaire, et a non seulement foré, mais trouvé au large de notre beau pays, fut-il DOM. Qu'a donc fait Total en la matière ? On se le demande.
Qu'est-ce qui relie ces deux compagnies, à part d'avoir de gros coups de chance et d'être originaires d'outre Manche ? Je ne saurais dire, les prédicteurs n'ont pas toujours des réponses. Ou plutôt une : les bonnes nouvelles ne viennent pas toujours avec de bonnes raisons.
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