25/01/2008
Malbouffe financière
Alors qu'on nous explique qu'un homme seul (et même pas bien payé) peut faire perdre 4.9 milliards € en quelques semaines à l'une des premières banques mondiales dans le domaine des futures, peut-être est-il temps de se demander si les méthodes et les valeurs importées d'outre-atlantique sont les bonnes.
La France, dans toute la plénitude de sa culture culinaire, avait tranché depuis longtemps : la malbouffe, c'est nul. Avant de se demander si l'obésité, l'anorexie et tutti quanti avaient ou non leur source dans le mode de vie ou les méthodes culinaires, les français se sont cramponnés le mieux possible à leur foie gras et leur régime sud-ouest ; ce n'est que bien plus tard qu'on commença à trouver des vertus au verre de vin quotidien, à l'huile d'olive dispensée à bon escient, à la créativité comme support de variété, à l'imagination comme facteur d'équilibre : parfois, les préjugés se tiennent sans le savoir sur des fondements étonnamment solides.
Pour la finance, c'était l'inverse : les Anglo-saxons en général, et les Etatsuniens en particulier, nous étaient a priori supérieurs, qui avaient tout inventé : le théorème de Black & Scholes, le jeune trader Ferrariste à 25 ans et infarctussé à 30, le LMBO et son montage mezzanine, tout je vous dis - et même si les banques françaises se sont longtemps maintenues au sommet à grands coups de chiffre d'affaires, la technologie, c'était Merrill Lynch et KKR.
Sauf que nous oubliâmes tous une bonne vieille règle de l'évolution : le conjoncturel répété crée du structurel, et la croissance des déficits étatsuniens depuis l'ère des Reaganomics a conduit ce pays à vivre non pas au-dessus de ses moyens, mais carrément très au-dessus du sol, sur un petit nuage de maijuana financière toujours renouvelé par le reste de la planète, trop heureux de se faire des plus-values latentes instantanées plutôt que des vraies-values moins faciles mais plus réelles. Car nous avons tous participé : si les USA doivent 39 000 milliards de dollars, il a bien fallu une conspiration mondiale pour arriver à ce chiffre stupéfiant (ou stupide).
Mais comment peut-on devoir 39 000 GUSD ? (au moment où nous mettons sous presse, c'est passé à 45) Pas difficile, l'Etat seul est endetté à hauteur de 9 TUSD (obligé d'employer la notation scientifique, sinon il n'y a plus que des zéros dans ce billet), les ménages à hauteur de 15, le reste est assumé par les entreprises. Tous ces chiffres sont sans intérêt jusqu'à ce qu'on signale que le PIB US est de l'ordre de 13 TUSD, soit le quart de la dette. En très gros, si les USA décidaient de rembourser à hauteur de 10% de leurs revenus par an, il leur faudrait 40 ans, plus les intérêts, on pourrait envisager un remboursement total en un siècle. Personne ne rembourse cela. Quelle est la spécialité étatsunienne, dont ce pays est le premier producteur, et le premier exportateur mondial ? La dette.
Que faire ? Cesser de leur prêter ? Personne ne sait, ne peut, ne veut faire ça. Aujourd'hui le seul marché capable d'absorber les énormes liquidités qui circulent à la surface de la planète est le marché US, point barre. Ajoutons que des mesures de rétorsion à l'égard des USA entraîneraient rapidement une chute du dollar ; or, il représente toujours 63 % des réserves de change sur la planète : hors de question.
En regardant le problème par le tout petit bout de la lorgnette, il ressort que toute opération financière aujourd'hui contient de 50 à 80 % de dette étatsunienne. C'est donc bien l'ensemble du marché financier qui pose problème ; malgré les pitoyables appels à la clarté, la clairvoyance et la transparence (on se croirait à un meeting de fenêtriers) à Davos, absolument aucun pays, aucune organisation n'affiche une véritable volonté de mettre de l'ordre dans le marché de la finance internationale. Commencer par le taxer permettrait d'y voir un peu plus clair.
17:05 Publié dans Economie | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : économie dollars USA dette | | del.icio.us | | Digg | Facebook |
Commentaires
Taxer ? Comme la taxe Tobin ? Attac ?
Écrit par : Mouton sauvage | 25/01/2008
Peu importe la couleur de la circulaire :), l'important est a) de recenser et b) de prélever : les informations fournies seront utiles, le pensum sera pénalisant pour les opérations les plus criticables.
Écrit par : E2100 | 25/01/2008
Tiens, 100% d'accord.
Écrit par : Popeye | 22/02/2008
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