18/05/2006
Conférence : L'homme et l'avenir de la planète - 1 - Energie
Les conférences sont un excellent moyen de prendre la température sur un sujet donné, celle des spécialistes, et celle des auditeurs. Celle-ci rassemblait autour de 4 thèmes (Energie, climat, biodiversité, urbanisation) une quantité considérable de matière grise de haut niveau (ci-dessous liste des intervenants) avec un doctorat au m². Maison de la Chimie, 17 mai 2006
Energie. On attaque par un clash organisé entre Etienne Klein ("notre mode de vie n'est pas durable") et Yves Chauvin ("Ne nous affolons pas"), qui prit le contrepied de la conférence en déclarant que les économies d'énergie (type Negawatt) suffiront à éviter les problèmes. Comme quoi, même un Prix Nobel peut avoir des opinions... étonnantes ; par la suite, aucun intervenant ne défendra cette thèse. Christian Ngo, sans aller dans ce sens, insiste sur la "stupidité" de certaines utilisations : 30 % de l'énergie consommée sert à produire de la chaleur, phase la plus dégradée de l'énergie, constat effectivement désastreux. Plusieurs intervenants condamnent le moteur à hydrogène pour de nombreuses raisons, dont la rareté du platine. Les véhicules hybrides (type Toyota Prius) sont au contraire appréciés. Pierre Delaporte souligne que le fixe et le mobile ont des performances divergentes ; que le "negawatt a un coût" ; que la coopération européenne est indispensable ; il lance un appel pour "un foldingue comme JFK", qui a su en 1961 emmener son pays dans le programme Apollo, pari injouable à l'époque. Il ajoute qu'il faut investir massivement dans la recherche, sinon nous investirons massivement dans le porte-monnaie de l'OPEP. D. Reynders décrit la difficulté politique, avec deux décisions récentes de l'Etat Belge : rembourser une partie des factures de fuel domestique, et sortir du nucléaire en 2015 : les préoccupations immédiates prennent le pas sur le long terme. C. Nahon secoue alors la salle en soulignant avec force que le problème de l'énergie est aussi celui du CO2, avec de nombreux freins politiques et techniques : la gestion des certificats CO2 est inefficace (NDA : le prix du certificat CO2 vient de chuter, car trop de pays satisfont facilement des objectifs mal calculés). Elle passe en revue les solutions connues, qui toutes seront une partie de la solution, et devront être mises en oeuvre, en insistant sur le solaire thermique, domaine où la France est faible, et l'hydroélectricité des pays émergents. Le CO2 est un problème mondial, donc difficile à résoudre : "il faut agir vite pour le long terme". JL Etienne intervient avec beaucoup d'humilité pour décrire l'évolution de son opinion sur le nucléaire. Lui aussi appelle de ses voeux un "choc cathartique", qui permettrait aux politiques de s'emparer du problème dans le bon sens.
En filigrane de ce qui a été dit, ce qui n'a pas été dit est indicatif : l'épuisement progressif du pétrole, menant à des tensions insupportables au cours de la prochaine décennie, n'est pas envisagé ; l'absence de "plan B" en cas de difficultés d'approvionnement non plus ; la relative inaction politique actuelle est justifiée par un prix de l'énergie trop bas. Un auditeur insistera sur la démographie, moteur de problèmes supplémentaires.
En fait les problèmes paraissent multiples, à commencer par une prise de conscience insuffisante de la part du public, elle-même provoquée par un prix de l'énergie trop bas, et aggravé par la croyance que le temps et/ou le marché règleront les problèmes, qui apparaissent de toutes façons lointains.
La réalité est toute autre, mais elle n'a pas été martelée : c'est au cours de la prochaine décennie que la production mondiale de pétrole commencera à décliner ; certains pays n'attendront pas ce moment pour "prendre des précautions" ; les tensions consécutives poseront de graves problèmes. La fuite en avant des trois grands Chine, USA, Inde, ne fait que rapprocher les échéances.
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16/05/2006
La synthèse Royal
Il y a quelques jours, je vous avais signalé le blog de S. Royal, avec la participation active de l'internaute à la construction de son programme environnemental. Une première synthèse vient de sortir, apparemment sur les 800 premières participations (1200 à ce jour).
L'introduction est intéressante, je la cite :
"Les débats [] sont d’une grande qualité technique, peu polémiques et il s’en dégage une très forte volonté d’action. Les discussions sont fortement axées sur [] l’énergie et son renouvellement. Le constat [] est globalement pessimiste avec des forces d’inertie très importantes. Mais l’espoir d’un changement possible est là. De très nombreuses pistes sont dégagées et beaucoup attendent de l’État et des collectivités locales qu’ils montrent l’exemple."
On attaque ensuite quelques notions mal maîtrisées, telles que le "catastrophisme éclairé" et le "peak oil" - je ferai une note sur ce dernier sujet.
Puis on présente les exigences vis-à-vis de l'Etat et des collectivités locales : plus d'études d'impact (qui sont faites en principe), de constructions HQE, de matériaux éco-certifiés, et de carburants propres. C'est l'exemplarité de l'Etat qui est exigée. On demande aussi plus de sérieux dans le chauffage des bâtiments publics - sans savoir qu'une Directive existe depuis 2002, je ferai bientôt une note également sur ce sujet. On propose un Grand Ministère Industrie-Energie-Environnement, tiens, ça me rappelle un certain Nicolas ?
Les mécanismes économiques sont largement abordés, soit par le biais de marchés de type PNAQ, soit par la taxation de type Hulot-Jancovici - les Français manifestent là des connaissances intéressantes.
L'énergie est largement abordée ; les vieux démons du nucléaire ne sont pas exorcisés, mais l'importance et la diversité des énergies renouvelables sont soulignés, et le recours aux transports propres est signalé, y compris la coopération européenne : il semble que personne ne cite la politique officielle de la France (encore une note ?).
Enfin, les Français insistent sur l'importance de la formation-information, avec des propositions notables telles que l'environnement rendu obligatoire au bac : là, on est très en avance sur notre temps !
Au total, ce document a l'intérêt de montrer que, même dans cette tranche particulièrement intéressée au sujet des Français qui donnent leur avis, on est loin de maîtriser la politique générale de notre pays, ou les moyens de faire face aux diffficultés prochaines ; en revanche, la prise de conscience est réelle, le déficit d'information est identifié, et la capacité à imaginer des solutions est remarquable.
On attend avec intérêt le résultat final qui fera partie du programme de la (peut-être) candidate.
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10/05/2006
La réponse du berger
Alors que Ségolène en est toujours aux interrogations (voir note sur la méthode Ségolène), l'autre candidat putatif aux Présidentielles a déjà son acte de foi écologique en ordre de marche, comme le montrent les interventions de la convention UMP sur l'écologie, que nous résumons ici en quelques mots.
Après avoir laissé Nelly Ollin rappeler historique et enjeux, puis Nicolas Hulot exhorter les participants à aller de l'avant, N. Sarkozy fait une présentation musclée et construite des principaux sujets ayant trait à la protection de l'environnement.
N. Sarkozy commence par donner la parole aux Français (ou leur confisque ?) en signalant que l'écologie est une préoccupation de chacun ; il rappelle le droit de chacun à vivre dans un environnement équilibré, où l'écologie serait au niveau des deux autres "cercles", social et économique : tout cela est institutionnel.
Mais il attaque ensuite plus fort en demandant à ses troupes de renouveler en profondeur leur perception de l’écologie, et de proposer un projet d’écologie populaire : ça secoue un peu plus. Il propose la création d'un comité national environnemental, concerné par le principe de précaution et la transparence dans un premier temps. Il recommande plus de transparence dans le nucléaire (sans le remettre en question), et envisage que chaque Français puisse communiquer la part de son dossier médical qu'il souhaite.
N. Sarkozy pose ensuite un calendrier, avec la résolution de tous les problèmes écologiques (climat exclu) en une génération. Les acteurs habituels sont rappelés : ONG en tête (eh oui), entreprises, mécanismes de marché, fiscalité ; il demande que l'écologie soit réconciliée avec l'économie (enfin !), et signale que certains pays sont déjà en avance sur nous dans ce domaine.
Enfin, N. Sarkozy propose de créer un grand ministère de l’écologie regroupant au minimum l’énergie, les transports et l’équipement : là, on écarquille les yeux. Hélas, c'est aussi une manière d'éliminer ce ministère.
N. Sarkozy termine en insistant sur des notions plus modernes de l'environnement : positionnement des USA, relations Nord-Sud, droit d'émettre du carbone.
En résumé, un discours écrit par des connaisseurs de l'environnement, montrant une certaine compréhension de la problématique actuelle. Bien sûr, on peut faire mieux, mais c'est déjà beaucoup pour un discours destiné à des militants UMP. Alors, Ségolène ?
PS : clin d'oeil à mes camarades de Jussieu, je cite : "La France doit se doter d’une filière scientifique de formations courtes et longues dans le domaine de l’environnement" : Yes !
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