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15/02/2010

Faire son propre malheur

(English translation)

En 1900, l'Europe, considérée collectivement, était une puissance suprême. Incontestée militairement, inégalée sur mer, son industrie et son commerce jetaient les bases dont s'inspirerait le reste du monde. Culturellement, l'Europe écrasait toutes les autres civilisations, et ses scientifiques s'approchaient à grandes enjambées de la maîtrise complète de la nature.

En 1945, l'Europe était un petit champ de ruines, incapable de se relever seule, et donnait aux Etats-Unis le sceptre du leadership mondial avant même que ceux-ci le demandent. Les nations européennes, poussant la bêtise jusqu'à la garde, avaient réussi à défaire en 45 ans ce que leurs ancêtres avaient bâti en quarante siècles. Tout cela sans influence extérieure, sans cataclysme divin, sans manipulation démoniaque, de leur propre chef et de leur propre suffisance.

En 1991, les Etats-Unis sont une puissance suprême : les Européens sont craintifs comme un chien boîteux, le Japon s'enfonce dans une dépression suicidaire, la Grande Russie est ravagée par l'alcool et la prévarication. Le dollar est roi, et les contes écrits à Hollywood endorment des millions d'enfants dans le monde. L'armée américaine écrase un pays entier en 15 jours, en perdant 250 hommes, comme en démonstration.

En 2010, le déficit (jumeau) américain est abyssal, l'armée est enlisée dans deux conflits incohérents, la performance économique s'effondre, et il ne reste plus que deux sortes de créanciers pour acheter des bons du trésor : les capitaux "gris", et la Chine, dont l'excédent commercial croît au rythme du déficit américain. La Chine du 21e siècle est une création de la cupidité américaine.

Mme Clinton vient d'entreprendre une tournée des Etats du Golfe pour stimuler leur haine de l'Iran et entraîner de nouvelles sanctions à l'égard de cet état, en pointant leurs travaux atomiques, sujet bien pratique. Mais l'Iran est-il un futur terroriste nucléaire, ou simplement le premier fournisseur de pétrole de la Chine ?

Quasiment le même jour, le Canada vient d'autoriser deux nouveaux investissements dans les infâmes sables bitumineux de l'Athabasca, dont l'actionnaire majoritaire sera PetroChina : la Main Jaune parvient aux portes des Etats-Unis, qui depuis dix ans sont tellement englués dans une politique digne du 19e siècle qu'ils sont incapables de réagir face à un pays qui prétend toujours être en voie de développement...

En 1880, l'impératrice douairière Cixi, poussée par les faucons du palais, décide (enfin) de lever un impôt qui permettra de constrBateau de marbre.jpguire la flotte de guerre dont la Chine a besoin pour s'opposer aux puissances occidentales, qui avec 4 canonnières tiennent en respect un continent entier ; les résultats de l'impôt, mille fois diminués avant d'atteindre la capitale, sont tellement faibles que Cixi décide à la place de faire un bateau de pierre pour orner le Palais d'été (il est toujours visible). Troquer une flotte de guerre, et l'espoir de tout un peuple contre un joli bloc de marbre ?

Les Etats-Unis en sont précisément là : les impôts du contribuable permettent de servir des bonus absurdes à des traders déjà riches, les deux guerres en cours sont un désastre financier, et chaque jour voit la Chine contrôler plus de ressources, encaisser plus de dollars, infiltrer plus de gouvernements. Certes, les Etats-Unis sont toujours la culture dominante, la puissance militaire, le savoir-faire technique. Mais bientôt ce pays appartiendra à son ennemi, sans coup férir.

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24/01/2008

Corriger ses erreurs

En 1898, Guillaume II soutenait en personne le projet de voie ferrée Berlin-Bagdad-Bassorah ; dix ans plus tard, l'amirauté britannique prenait la décision d'abandonner le charbon au profit du pétrole pour équiper ses navires de moteurs plus puissants, prononçant la première le mot "dépendance". A cette date, le pétrole et la guerre étaient déjà liés à jamais. Le reste du 20e siècle fut une longue suite de guerres menées grâce à, autour ou à cause du pétrole. Après 1945, seules deux nations se relevaient des décombres, mais une seule mettait la main sur le Moyen-Orient, source de pétrole, de richesse et de stabilité pour ceux qui le contrôlaient.

Ce contrôle faillit coûter cher en 1979 : la chute du Shah ne fut pas du tout la petite erreur enregistrée par l'Occident, mais bien une débâcle qui faillit dégénérer en une crise mondiale ; elle fut analysée aussi mal que possible. Croyant corriger cette erreur, les USA (aidés par leurs alliés dans la mesure des moyens) poussèrent l'Iraq à déclarer la guerre à l'Iran son voisin, pour lequel  il n'a guère d'amitié ; cette guerre fut entièrement souhaitée et pilotée par les USA et ses alliés. Ils alimentèrent sans cesse le régime de Saddam Hussein en armes et en dollars : "Let them bleed" ("Qu'ils saignent") fut le mot d'une administration étatsunienne qui n'aimait aucun des deux pays, jusqu'à un armistice douteux, laissant les deux pays dévastés.

8412b1d3a46ce8f2687bf2d852cb66c8.jpgToujours en 1979, l'URSS commettait une erreur tout aussi grossière en ratant le changement Iranien, à l'occsion duquel ils auraient pu mettre la main sur une partie importante du pétrole moyen-oriental ; croyant corriger cette erreur, l'URSS pénétra en Afghanistan ; les USA s'empressérent d'armer et d'entraîner les Afghans, avec entre autres les missiles sol-air qui firent tant de mal aux hélicoptères russes (le Stinger de 1981, photo National Geographic), par l'entremise de leurs agents, dont un certain Oussama Ben Laden. "Let them bleed" fut la justification de l'administration étatsunienne, pensant se venger au passage de l'aide russe au Viet-Nam.

L'Irak, gros exportateur de pétrole, constata à l'issue de la guerre que le baril était à son plus bas de tous les temps, lui interdisant de sauver son économie. Il découvrit également que le prix du baril faisait partie d'un plan plus général, destiné à affaiblir financièrement l'URSS, devenue momentanément premier exportateur mondial depuis le deuxième choc pétrolier ; et qu'en conséquence, ce prix était intouchable. Il découvrit également que l'OPEP avait perdu toute unité, que tous ses membres participaient joyeusement aux excès du marché, et que son voisin le Koweit, auquel l'Irak avait beaucoup emprunté pendant la guerre, exigeait d'être remboursé, tout en pompant perfidement dans un champ situé sous la frontière entre ces deux pays. Saddam Hussein exigea qu'on revînt aux principes des quotas ; que le pétrole soit majoré, que le Koweit arrête de lui voler son pétrole ; qu'il accepte de rééchelonner les paiements de sa dette. Il exigea tant et n'obtint rien, lui qui avait saigné son peuple pour faire plaisir à l'Occident... Il avertit tout le monde qu'il allait envahir le Koweit.

Tout le monde ? Et son frère : il annonça cette intention dans plusieurs réunions publiques, y compris à l'OPEP ; et trois jours avant d'entrer au Koweit, alors que les satellites montraient sans équivoque l'accumulation de ses troupes à la frontière, il demanda une entrevue avec l'ambassadrice des USA en Irak, April Glaspie, évidemment pas pour prendre le thé. Le contenu de cette réunion, rendu public par la suite, est une perfection d'incompréhension : le représentant de S. Hussein en sortit persuadé que les USA n'interviendraient pas. La suite est connue : pour corriger cette erreur, alors que cette guerre aurait dû être évitée avec quelques coups de téléphone, l'Occident vint écraser sous les bombes un pays déjà meurtri par une guerre qu'il l'avait forcé à mener.

L'installation en masse de troupes étatsuniennes sur le sol sacré provoqua l'ire de certains saoudiens, dont un certain Ben Laden, ex agent étatsunien, ex riche héritier d'une grande famille saoudienne liée à la famille Bush. Sa fatwah fut négligée par les USA ; les éléments actuels montrent que cette négligence aboutit à trois mille morts, et une terrible dégradation de l'image des Etats-Unis dans le monde. Croyant corriger cette erreur, les Etats-Unis se lancèrent dans deux guerres de trop, car aucune armée n'est conçue pour s'enliser dans un pays ennemi.

Les sondages actuels semblent montrer qu'un changement drastique de politique pourrait survenir aux USA à l'issue des élections de 2008 ; il ne semble pas qu'aucun des candidats ait une solution viable pour ces conflits ; mais nul doute que le (la) prochain(e) président(e) aura à coeur de corriger ces erreurs. On leur souhaite simplement que le fameux "Let them bleed" ne fasse pas boomerang.

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23/01/2008

Gendarme du monde

En 1945, les vieilles puissances régionales étaient exsangues, dévastées, et plus encore étaient incapables de reconstituer un schéma incluant leur propre suprématie : c'est ainsi qu'ils l'abandonnèrent volontairement aux USA, qui venaient de faire la preuve de leurs capacités. Une seule nation tenta de reconduire un prétendu empire pendant 4 décennies, à quel prix. C'est tout naturellement que les nouvelles règles non écrites furent convenues : les USA se chargeaient de faire respecter l'ordre, les autres nations "avancées" leur apportaient leur support politique, un accord mondial était lancé pour le meilleur et pour le pire.

Pendant quarante ans, ce fut pour le meilleur : les nations détruites retrouvèrent, grâce à l'or et la paix des Américains, une santé florissante, les conflits armés étaient petits et lointains, et les rares gouttes de sang européen n'étaient versées que pour des colonies qui n'en finissaient pas de s'éloigner de leurs anciens maîtres, achevant de détruire leurs vieux rêves internationaux. Certes, la mainmise des USA sur quantité de ressources, et particulièrement le moyen-orient, paraissait un peu exagérée, mais qui n'en profitait pas ? La minuscule crise de Suez en 1956 montra définitivement à ceux qui voulaient l'ignorer quels étaient les nouveaux maîtres.

Tout marchait si bien que le reste de l'OCDE se prit au jeu économique, secteur où les USA se révélèrent exemplaires : pendant cette période, aucun lieu ou monnaie ne pouvait concurrencer le dollar et le sol étatsuniens ; insensiblement, l'occident commença à prêter aux USA plus qu'il n'était nécessaire pour assurer leur mission, insensiblement la nation la plus riche du monde devint la plus endettée, empruntant aux républiques bananières un comportement qu'ils avaient tant fustigé.

Et puis les USA se mirent en tête de gagner à eux seuls la guerre froide ; l'URSS, prise au jeu de l'économie, perdit et s'effondra sur elle-même sans qu'un seul bombardier ouvre un oeil : tout l'occident accueillit la nouvelle avec joie, saluant un événement aussi inattendu que tant de fois annoncé. Soudain, les USA se retrouvèrent sans ennemi, mais aussi sans contrôle. Mais la machine était lancée, et les habitudes prises ; personne au monde ne fit autre chose que de se réjouir, alors même que la facture pour la sécurité s'était transformée en facture pour le confort.

Les erreurs autrefois rares s'accumulèrent ; à l'issue de la première guerre du Golfe, les USA tendirent une sébille impudente à un occident stupéfait, rompant ainsi avec les vieilles règles. Le scandale Enron prouva au monde que les USA devenus mesquins avaient perdu de vue l'objectif : conserver la confiance de la planète ; quelque chose avait changé. Quasiment le même jour, trois mille morts dans l'effondrement des Deux Tours prouvèrent au monde que bien des choses avaient changé. La catastrophique réaction de l'administration Bush fut à la hauteur de sa puissance : sans savoir les mobiles, sans comprendre la réaction de ses sujets, les USA tapèrent au hasard, comme un mauvais maître punit au hasard les ricaneurs pendant que les fautifs restent impunis. Le reste de la planète, interdit, empêtré dans ses propres contradictions et une furieuse course vers le confort, n'offrit aucune réaction. A peu près à la même date, la France interdisait à ses citoyens de travailler plus de trente-cinq heures par semaine, et les USA confirmaient qu'il n'y avait pas de réchauffement climatique.

Mauvais maître, changer de maître ? Facile à dire. Au début de ce siècle de fer, l'occident replet se complaît dans son luxe, l'Europe n'est capable que d'émettre des Directives qui parviennent difficilement à ses membres, la Russie se cherche une image et une santé, et la Chine attend son heure, qui n'est pas arrivée. Qui va remplacer le gendarme du monde ? Qui va verser son sang, remplacer le dollar avec sa monnaie, montrer la direction au reste de la planète, s'affranchir de la démocratie pour faire respecter les libertés ? Alors que les problèmes mondiaux s'accumulent à l'horizon, avec la triple crise de l'énergie, de la surpopulation et du réchauffement climatique, la planète des hommes se présente en ordre dispersé, menée par un maître toujours en place faute de challenger, sans plan et sans élan.

Les USA sont toujours une gande nation, capable et responsable ; mieux vaut un mauvais maître que pas de maître du tout ; et nous n'avons personne d'autre. Encore faut-il que ses suiveurs prennent eux-mêmes leurs responsabilités, et exercent un contrôle dont ils ont tout oublié. Sans quoi la crise des subprimes et ses conséquences ne seront que le début d'une longue suite d'abus et d'erreurs jamais corrigés, préfigurant une défaillance à la veille de l'examen final.

 

07:54 Publié dans Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gendarme, monde, géopolitique, USA, futur | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook |